Saint François de Sales
François naquit en Savoie le 21 août 1567. Ordonné évêque de Genève (1602) il donna toute son activité apostolique pour ramener à la foi catholique la population du Chablais qui était passée à la Réforme protestante. Par ses activités multiformes, il éduqua le peuple chrétien, en montrant les chemins de la spiritualité adaptables à tous les choix de vie.
Il se dévoua totalement à sa mission de pasteur, se faisant simple avec les simples, discutant de théologie avec les protestants, initiant à la « vie dévote » les âmes désireuses de servir le Christ, leur ouvrant les secrets de l’amour de Dieu, attentif à mettre la vie spirituelle à la portée des laïcs et à rendre la dévotion aimable. Il valorisa la presse, promut le travail et la culture, traitant chacun avec une sage douceur et une grande bonté.
Il mourut à Lyon le 28 décembre 1622. Il fut béatifié le 8 janvier 1662 et canonisé le 19 avril 1665 par Alexandre VII et Pie IX le proclama docteur de l’Eglise en 1877 (« Docteur de l’Amour »).
Si la tradition d’une rencontre avec Saint Philippe Néri, François encore jeune et Philippe devenu âgé, n’est plus soutenable aujourd’hui à la lumière de la critique historique, ses liens d’amitié avec le Bienheureux Jean Giovenale Ancina sont certains. A la communauté sacerdotale qu’il fonda à Thonon, il voulut donner la forme d’un Oratoire philippin et il en fut le premier supérieur. Pour cette raison, les Pères de l’Oratoire ont toujours été très liés à ce saint, le considérant d’une certaine façon l’un de leur « confrère », en en célébrant la fête, dans les Congrégations les plus anciennes, comme celle d’un membre de l’Oratoire.
Du « Traité de l’amour de Dieu » de Saint François de Sales, évêque. (Livre VI, cap. 12).
Ce qui n’est pas Dieu n’est rien pour moi.
Mon âme, dit l’amante sacrée, s’est toute fondue à même que mon bien-aimé a parlé (Cant 5,6). Et qu’est-ce à dire, elle s’est fondue, sinon elle ne s’est plus contenue en elle-même, ainsi s’est écoulée devers son divin amant? Dieu ordonna à Moïse qu’il parlât au rocher, et qu’il produirait des eaux (Nb 20,8) ; ce n’est donc pas merveille si lui-même fit fondre l’âme son amante, lorsqu’il lui parlait en sa douceur. Le baume est si épais de sa nature, qu’il n’est point fluide ni coulant, et plus il est gardé, plus il s’épaissit, et enfin s’endurcit, devenant rouge et transparent ; mais la chaleur le dissout et le rend fluide. L’amour avait rendu l’époux fluide et coulant, dont l’épouse l’appelle une huile répandue. Et voilà que maintenant elle assure qu’elle-même est toute fondue d’amour : Mon âme, dit-elle, s’est écoulée, lorsque mon bien-aimé a parlé (Cant 1,2). L’amour de l’époux était dans son coeur et dans son sein, comme un vin nouveau bien puissant qui ne peut être retenu dans son tonneau, car il se répandait de toutes parts, et parce que l’âme suit son amour, après que l’épouse a dit : Vos mamelles sont meilleures que le vin, répandant des onguents précieux, elle ajoute : Votre nom est comme une huile répandue (Cant 1,2). Et comme l’époux aurait répandu son amour et son âme dans le coeur de l’épouse ; aussi l’épouse réciproquement verse son âme dans le coeur de l’époux. Et comme l’on voit qu’un bornal (= couteau) touché des rayons ardents sort de soi-même et quitte sa forme pour s’écouler devers l’endroit duquel les rayons le touchent; ainsi l’âme de cette amante s’écoula du côté de la voix de son bien-aimé, sortant d’elle-même et des limites de son être naturel, pour suivre celui qui lui parlait.
Mais comme se fait cet écoulement sacré de l’âme en son bien-aimé? Une extrême complaisance de l’amant en la chose aimée produit une certaine impuissance spirituelle qui fait que l’âme ne se sent plus aucun pouvoir de demeurer en soi-même. C’est pourquoi, comme un baume fondu qui n’a plus de fermeté ni de solidité, elle se laisse aller et écouler en ce qu’elle aime; elle ne se jette pas par manière d’élancement, ni elle ne se serre pas par manière d’union, mais elle se va doucement coulant, comme une chose fluide et liquide, dedans la Divinité qu’elle aime. Et comme nous voyons que les nuées épaissies par le vent du midi, se fondant et convertissant en pluie, ne peuvent plus demeurer en elles-mêmes, ains tombent et s’écoulent en bas, se mêlant si intimement avec la terre qu’elles détrempent, qu’elles ne sont p1us qu’une même chose avec icelle; ainsi l’âme, laquelle, quoique aimante, demeurait encore en elle-même, sort par cet écoulement sacré et fluidité sainte, et se quitte soi-même, non seulement pour s’unir au bien-aimé, mais pour se mêler toute et se détremper avec lui.
Vous voyez donc bien, Théotime, que l’écoulement d’une âme en son Dieu n’est autre chose qu’une véritable extase, par laquelle l’âme est toute hors des bornes de son maintien naturel, toute mêlée, absorbée et engloutie en son Dieu, dont il arrive que ceux qui parviennent à ce saint excès de l’amour divin, étant par après revenus à eux, ne voient rien en la terre qui les contente, et vivant en un extrême anéantissement d’eux-mêmes, demeurent fort alangouris en tout ce qui appartient aux sens, et ont perpétuellement au coeur la maxime de la bienheureuse vierge Thérèse de Jésus: Ce qui n’est pas Dieu ne m’est rien. Et semble que telle fut la passion amoureuse de ce grand ami du bien-aimé, qui disait: Je vis, mais non pas moi, aine Jésus-Christ vit en moi (Gal 2,20); et notre vie est cachée avec Jésus-Christ en Dieu (Col 3,3)), Car, dites-moi, je vous prie, Théotime, si une goutte d’eau élémentaire jetée dans un océan d’eau de naffe (= eau de senteur dont la base est la fleur d’oranger) était vivante et qu’elle pût parler et dire l’état auquel elle serait, ne crierait-elle pas de grande joie : O mortels, je vis voirement (= véritablement, d’une manière vraie), mais je ne vis pas moi-même, ains cet océan vit en moi, et ma vie est cachée en cet abîme.
L’âme écoulée en Dieu ne meurt pas ; car comme pourrait-elle mourir d’être abîmée en la vie? Mais elle vit sans vivre en elle-même, parce que comme les étoiles, sans perdre leur lumière, ne luisent plus en la présence du soleil, ains le soleil luit en elles, et sont cachées en la lumière du soleil, aussi l’âme, sans perdre sa vie, ne vit plus étant mêlée avec Dieu, ains Dieu vit en elle. Tels furent, je pense, les sentiments des grands bienheureux Philippe Néri et François Xavier, quand, accablés des consolations célestes, ils demandaient à Dieu qu’il se retirât pour un peu d’eux, puisqu’il voulait que leur vie parût aussi encore un peu au monde, ce qui ne se pouvait tandis qu’elle était toute cachée et absorbée en Dieu.
Saint John Henry Newman
Né à Londres en 1801, il a rempli pendant plus de vingt ans la fonction de pasteur anglican et de fellow au Collège d'Oriel à Oxford.
Après avoir approfondi de toutes ses forces sa connaissance de l'histoire de l'Église primitive, il fut attiré peu à peu par la foi catholique et fut reçu en 1845 « dans l'unique bergerie du Sauveur », comme il le dit lui-même. Élevé au sacerdoce catholique en 1847, il fonda l'Oratoire de saint Philippe Néri en Angleterre.
Avec beaucoup d'efficacité, il écrivit de nombreux ouvrages sur des sujets très variés. Loué en tant que pasteur humble et ardent, qui a largement donné de l'éclat à l'Église par sa clarté intellectuelle, il fut créé Cardinal en 1879 par le pape Léon XIII. Il est mort à Birmingham le 11 août 1890. Il Fut bétaifié par Benoît XVI le 19 octobre 2010.
MESSE ET BÉATIFICATION DU VÉNÉRABLE CARDINAL JOHN HENRY NEWMAN
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Cofton Park de Rednal – Birmingham - Dimanche 19 septembre 2010
le ici à Birmingham est un jour particulièrement béni. D’abord, parce que c’est le Jour du Seigneur, dimanche, jour où notre Seigneur Jésus Christ est sorti vivant d’entre les morts et a changé pour toujours le cours de l’histoire humaine, offrant une vie et une espérance nouvelles à tous ceux qui vivent dans les ténèbres et l’ombre de la mort. C’est pourquoi les chrétiens dans le monde entier se réunissent ce jour-là pour rendre gloire à Dieu et le remercier de toutes les merveilles qu’il a accomplies pour nous. Ce dimanche-ci évoque en outre un moment significatif de la vie de la nation britannique, car c’est le jour choisi pour commémorer le soixante-dixième anniversaire de la «Bataille d’Angleterre». Pour moi, qui ai vécu et subi les souffrances liées aux jours sombres du régime nazi en Allemagne, il est très émouvant de me trouver ici parmi vous en cette occasion et de faire mémoire de vos si nombreux concitoyens qui ont sacrifié leur vie, résistant courageusement contre les forces de cette terrible idéologie. Ma pensée rejoint d’une manière spéciale la ville voisine de Coventry qui fut frappée au cours du mois de novembre 1940 par des bombardements massifs et de lourdes pertes en vies humaines. Soixante-dix ans plus tard, nous nous souvenons avec des sentiments de honte et d’horreur de l’effrayant coût en vies humaines et en destructions que la guerre entraîne, et nous renouvelons notre résolution de travailler pour la paix et la réconciliation là où pèse la menace de conflits. Toutefois, un autre motif, plus joyeux, fait de ce jour un moment particulièrement porteur de promesses pour la Grande-Bretagne, pour les Midlands, pour Birmingham. Car c’est le jour qui voit le Cardinal John Henry Newman officiellement élevé aux honneurs des autels et proclamé Bienheureux.
Je remercie Monseigneur Bernard Longley pour ses paroles de bienvenue au début de cette Messe. Et j’exprime mon appréciation à tous ceux qui ont travaillé fermement au long de nombreuses années pour promouvoir la Cause du Cardinal Newman, en particulier les Pères de l’Oratoire de Birmingham que les membres de la Famille spirituelle Das Werk (l’Œuvre). Je salue toutes les personnes présentes ici, de Grande-Bretagne, d’Irlande et d’ailleurs; je vous remercie d’être venus à cette célébration où nous rendons gloire et louange à Dieu pour la vertu héroïque d’un saint Anglais.
L’Angleterre a une longue tradition de saints martyrs, dont le témoignage courageux a soutenu et inspiré la communauté catholique durant des siècles ici. Mais il est également juste et bon de reconnaître aujourd’hui la sainteté d’un confesseur, un fils de cette nation qui, bien qu’il n’ait pas été appelé à répandre son sang pour le Seigneur, lui a cependant rendu un témoignage éloquent durant une longue vie consacrée au ministère sacerdotal, et spécialement en prêchant, en enseignant et en écrivant. Il mérite bien de prendre place dans une longue lignée de saints et d’érudits de ces Iles, saint Bède, sainte Hilda, saint Aelred, le bienheureux Dun Scott, pour n’en nommer que quelques-uns. Dans la personne du bienheureux John Henry, cette tradition d’élégante érudition, de profonde sagesse humaine et d’ardent amour du Seigneur a porté des fruits abondants, signe de la présence pleine d’amour de l’Esprit Saint dans les profondeurs du cœur du peuple de Dieu, faisant mûrir d’abondants dons de sainteté.
La devise du Cardinal Newman, Cor ad cor loquitur, ou «le cœur parle au cœur» nous donne une indication sur la manière dont il comprenait la vie chrétienne: un appel à la sainteté, expérimenté comme le désir profond du cœur humain d’entrer dans une intime communion avec le Cœur de Dieu. Il nous rappelle que la fidélité à la prière nous transforme progressivement à la ressemblance de Dieu. Comme il l’écrivait dans l’un de ses nombreux et beaux sermons, «pour la pratique qui consiste à se tourner vers Dieu et le monde invisible en toute saison, en tout lieu, en toute situation d’urgence, la prière, donc, a ce qu’on peut appeler un effet naturel, en ce qu’elle élève et spiritualise l’âme. L’homme n’est plus ce qu’il était auparavant: progressivement, il s’est imprégné de tout un nouvel ensemble d’idées, il a assimilé de nouveaux principes» (Sermons paroissiaux, IV, p. 203, Le paradoxe chrétien, Cerf, 1986). L’Évangile d’aujourd’hui nous enseigne que personne ne peut servir deux maîtres (Lc 16,13), et l’enseignement du bienheureux John Henry sur la prière montre comment le fidèle chrétien est définitivement pris pour le service du seul véritable Maître, le seul qui puisse prétendre recevoir une dévotion sans conditions à son service (cf. Mt 23,10). Newman nous aide à comprendre ce que cela signifie dans notre vie quotidienne: il nous dit que notre divin Maître a donné à chacun de nous une tâche spécifique à accomplir, «un service précis» demandé de manière unique et à chaque personne individuellement: «J’ai une mission», écrivait-il, «Je suis un chaînon, un lien entre des personnes. Il ne m’a pas créé pour rien. Je ferai le bien, j’exécuterai la tâche qu’il m’a confié; je serai un ange de paix, je prêcherai la vérité à la place où je suis… si j’observe ses commandements et le sers à la place qui est la mienne )» (Méditations sur la doctrine chrétienne, Ad Solem, Genève 2000, pp. 28-29).
Le service particulier auquel le bienheureux John Henry a été appelé consistait à appliquer son intelligence fine et sa plume féconde sur les nombreuses et urgentes «questions du jour». Ses intuitions sur le rapport entre foi et raison, sur la place vitale de la religion révélée dans la société civilisée, et sur la nécessité d’une approche de l’éducation qui soit ample en ses fondements et ouverte à de larges perspectives ne furent pas seulement d’une importance capitale pour l’Angleterre de l’époque victorienne, mais elles continuent à inspirer et à éclairer bien des personnes de par le monde. Je voudrais rendre un hommage particulier à sa conception de l’éducation, qui a eu une grande influence pour former l’éthos, force motrice qui soutient les écoles et les collèges catholiques d’aujourd’hui. Fermement opposé à toute approche réductrice ou utilitaire, il s’est efforcé de mettre en place un environnement éducationnel où l’exercice intellectuel, la discipline morale et l’engagement religieux pourraient progresser ensemble. Le projet de fonder une Université catholique en Irlande lui donna la possibilité de développer ses idées à ce sujet, et l’ensemble des discours qu’il a publiés sur «L’idée d’une Université» met en évidence un idéal dont tous ceux qui sont engagés dans la formation académique peuvent continuer à s’inspirer. En effet, quel meilleur objectif pourraient avoir des professeurs de religion que celui que le bienheureux John Henry a présenté dans son célèbre appel en faveur d’un laïcat intelligent et bien formé: «Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre» (The Present position of Catholics in England, IX, 390). En ce jour où l’auteur de ces lignes est élevé à l’honneur des autels, je prie pour que, par son intercession et son exemple, tous ceux qui sont engagés dans l’enseignement et la catéchèse se sentent poussés par la conception qu’il a si clairement exposée devant nous à entreprendre de nouveaux efforts.
S’il est bien compréhensible que l’héritage intellectuel de John Henry Newman ait été l’objet d’une large attention dans la vaste littérature qui illustre sa vie et son œuvre, je préfère, en ce jour, conclure par une brève réflexion sur sa vie de prêtre, de pasteur des âmes. La chaleur et l’humanité qui marquent son appréciation du ministère pastoral sont magnifiquement mises en évidence dans un autre de ses célèbres sermons: «Si des anges avaient été vos prêtres, mes frères, ils n’auraient pas pu souffrir avec vous, avoir de la sympathie pour vous, éprouver de la compassion pour vous, sentir de la tendresse envers vous et se montrer indulgents avec vous, comme nous; ils n’auraient pas pu être vos modèles et vos guides, et n’auraient pas pu vous amener à sortir de vous-mêmes pour entrer dans une vie nouvelle, comme le peuvent ceux qui viennent du milieu de vous» («Hommes, non pas Anges: les prêtres de l’Évangile»,Discourses to Mixed Congregations, 3). Il a vécu à fond cette vision profondément humaine du ministère sacerdotal dans l’attention délicate avec laquelle il s’est dévoué au service du peuple de Birmingham au long des années qu’il a passées à l’Oratoire, fondé par lui, visitant les malades et les pauvres, réconfortant les affligés, s’occupant des prisonniers. Il n’est pas étonnant qu’à sa mort, des milliers de personnes s’alignaient dans les rues avoisinantes tandis que son corps était transporté vers sa sépulture à moins d’un kilomètre d’ici. Cent vingt ans plus tard, de grandes foules se sont rassemblées à nouveau pour se réjouir de la reconnaissance solennelle de l’Église pour l’exceptionnelle sainteté de ce père des âmes très aimé. Comment pourrions-nous mieux exprimer la joie de ce moment, sinon en nous tournant vers notre Père des cieux dans une vibrante action de grâce, et en priant avec les paroles mêmes que le bienheureux John Henry a mises sur les lèvres du chœur des anges dans le ciel:
Loué soit le Très Saint dans les hauteurs
Et loué soit-Il dans les profondeurs;
Très admirable en toutes Ses paroles;
Infaillible en toutes Ses voies!
(Le songe de Gerontius). »
Apologia pro vita sua.
Depuis le moment où je suis devenu catholique, je n’ai évidemment plus de récit à faire sur l’histoire de mes idées religieuses. Je ne veux pas dire par là que mon esprit soit resté oisif, ni que j’aie abandonné l’étude des sujet théologiques, mais je n’ai pas eu à constater que mes convictions aient varié, et mon cœur n’a été troublé par aucune sorte d’inquiétude. J’ai été dans un état de paix et de satisfaction parfaite, je n’ai jamais eu un seul doute. Lors de ma conversion, je n’ai pas eu conscience qu’un changement intellectuel ou moral s’opérât dans mon esprit. Je ne me sentais ni une foi plus ferme dans les vérités fondamentales de la Révélation, ni plus d’empire sur moi-même ; je n’avais pas plus de ferveur, mais il me semblait rentrer au port après avoir traversé une tempête, et la joie que j’en ai ressentie dure encore aujourd’hui sans qu’elle ait été interrompue.
Je n’ai eu non plus aucune peine à adopter les articles nouveaux qui ne se trouvent pas dans le credo anglican ; je croyais déjà à certains d’entre eux, mais aucun ne fut pour moi une épreuve, et j’en fis profession lors de mon entrée dans l’Église catholique, avec la plus grande facilité, tout comme je crois encore en eux aujourd’hui. Naturellement, je suis loin de nier que chaque article du Credo chrétien, tel que l’entendent les catholiques ou les protestants, ne soit entouré de beaucoup de difficultés intellectuelles ; et, c’est un fait bien clair, que pour ma part, je ne puis les résoudre. Beaucoup de personnes sont très sensibles aux difficultés de la religion ; je le suis aussi, et autant qu’aucune d’elles ; mais il ne m’a jamais été possible d’établir un lien entre le fait de saisir ces difficultés, si vives, si étendues soient-elles, et celui que de mettre en doute la doctrine correspondante. Suivant moi, dix mille difficultés ne font pas un doute ; difficulté et doute sont incommensurables. On peut avoir assurément des difficultés pour prouver qu’il faut admettre une doctrine ; mais je veux parler, en ce moment, des difficultés qui sont intérieures aux doctrines elles-mêmes ou qui concernent leurs relations mutuelles. Un homme peut être contrarié de ne pas savoir résoudre un problème de mathématiques dont la solution lui est ou ne lui est pas donnée, sans douter pour cela que le problème ait une solution ou que telle solution déterminée soit la vraie. De tous les articles de foi, l’existence d’un Dieu est, suivant moi, celui qui soulève le plus de difficultés et celui qui, cependant, s’impose à nos esprits avec le plus de puissance.
Il y en a qui trouvent la doctrine de la transsubstantiation difficile à croire ; je n’y ai pas cru moi-même avant d’être catholique, mais je n’eux aucune difficulté à y croire dès que je fus persuadé que l’Église catholique romaine était l’oracle de Dieu, et que, d’après ses déclarations, cette doctrine fait partie de la révélation originelle. C’est difficile et même impossible à imaginer, je l’accorde : mais est-ce difficile à croire ? […]
Je crois tout le dogme révélé comme enseigné par les apôtres, confié par eux à l’Église, et imposé par l’Église à moi-même. Je le prends tel qu’il est infailliblement interprété par l’autorité à laquelle il a été confié, et (implicitement) tel qu’il sera interprété de nouveau par cette même autorité, jusqu’à la fin des temps. De plus, je me soumets aux traditions de l’Église universellement reçues, dans lesquelles se trouve la matière des nouvelles définitions dogmatiques qui sont faites de temps à autre, et qui sont à toutes les époques, la façon de présenter et d’expliquer le dogme catholique déjà défini. Je me soumets également à ces autres décisions du Saint-Siège, théologiques ou non, transmises par les organes qu’il a lui-même désignés, décisions qui ont le droit de se présenter à moi en demandant à être reconnues et obéies, même si j’écarte la question de leur infaillibilité et qu’elles se présentent avec des titres très modestes à mon assentiment. J’admets aussi, qu’au cours des âges, la recherche de a vérité catholique a pris peu à peu certaines formes déterminées, et s’est constituée comme une science, avec une méthode et un vocabulaire qui lui sont propres, sous la direction intellectuelle de grands esprits tels que saint Athanase, saint Augustin ou saint Thomas ; je ne sens nullement tenté de mettre en pièces ce legs intellectuel qui nous a été transmis pour les temps présents.
Saint Jose Vaz
Né dans le territoire de Goa en Inde, le 21 avril 1651, d’une famille brahmane convertie au catholicisme, il fut ordonné prêtre en 1676. Il se fit remarquer par une vie austère de pénitences et son zèle apostolique, travaillant comme missionnaire dans la région de Canara. En 1684, il fonda l’Oratoire de Goa.
En 1686 il partit pour Ceylan (aujourd’hui le Sri Lanka) où il mena sa mission au milieu d’innombrables difficultés, surtout dans le Royaume de Kandy où il organisa une mission florissante. Il mourut le 16 janvier 1711 et il fut béatifié le 21 janvier 1995 par le Pape Jean Paul II et canonisé le 14 janvier 2015 par le Pape François.
MESSE AVEC CANONISATION DU BIENHEUREUX JOSEPH VAZ - HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE
Galle Face Green, Colombo Mercredi 14 janvier 2015
« […] Tous les confins de la terre ont vu le salut de notre Dieu » (Is 52, 10). C’est la magnifique prophétie que nous avons entendue dans la première lecture de ce jour. Isaïe prédit l’annonce de l’Évangile de Jésus-Christ jusqu’aux confins de la terre. Cette prophétie à une signification particulière pour nous qui célébrons la canonisation du grand missionnaire de l’Évangile, saint Joseph Vaz. Comme de très nombreux autres missionnaires dans l’histoire de l’Église, il a répondu au commandement du Seigneur ressuscité de faire de toutes les nations des disciples (cf. Mt 28, 19). Par ses paroles, mais, plus important, par l’exemple de sa vie, il a conduit le peuple de cette nation à la foi qui nous donne « […] l’héritage parmi tous les sanctifiés » (Ac 20, 32).
Nous voyons chez saint Joseph un signe éloquent de la bonté et de l’amour de Dieu pour le peuple du Sri Lanka. Mais nous voyons aussi en lui une incitation à persévérer sur la voie de l’Évangile, à grandir nous-mêmes en sainteté, et à témoigner du message évangélique de réconciliation auquel il a consacré sa vie.
Prêtre oratorien, saint Joseph Vaz est arrivé, de sa Goa natale, dans ce pays, inspiré par un zèle missionnaire et par un grand amour de ces gens. En raison de la persécution religieuse en cours, il s’habillait comme un mendiant, accomplissait ses devoirs sacerdotaux en rencontrant en secret les fidèles, souvent de nuit. Ses efforts ont donné une force spirituelle et morale à la population catholique assiégée. Il eut un désir particulier de servir les malades et les personnes souffrantes. Pendant une épidémie de variole à Kandy, son ministère envers les malades fut tellement appréciée par le roi, qu’une plus grande liberté lui fut accordée dans son ministère. De Kandy il put rejoindre d’autres zones de l’île. Il se consuma dans le travail missionnaire et il mourut à l’âge de cinquante-neuf ans, vénéré pour sa sainteté.
Pour de nombreuses raisons, saint Joseph Vaz a continué d’être un exemple et un maître ; mais je voudrais m’arrêter sur trois d’entre elles.
Avant tout, il fut un prêtre exemplaire. Il y a ici avec nous aujourd’hui beaucoup de prêtres, de religieux et religieuses qui, comme Joseph Vaz, sont consacrés au service de l’Évangile de Dieu et du prochain. J’encourage chacun de vous à regarder Saint Joseph Vaz comme un guide sûr. Il nous apprend à sortir vers les périphéries, pour que Jésus-Christ soit connu et aimé partout. Il est aussi un exemple de souffrance patiente pour la cause de l’Évangile, d’obéissance aux supérieurs, de soin affectueux pour l’Église de Dieu (cf. Ac 20, 28). Comme nous, il a vécu à un moment de rapide et profonde transformation ; les catholiques étaient une minorité, souvent divisée de l’intérieur ; au dehors il y avait une hostilité occasionnelle, et même de la persécution. Malgré cela, parce qu’il fut constamment uni par la prière au Seigneur crucifié, il a été capable de devenir pour tous une icône vivante de l’amour miséricordieux et réconciliateur de Dieu.
En second lieu, saint Joseph nous a montré l’importance de dépasser les divisions religieuses pour le service de la paix. Son amour indivis de Dieu l’a ouvert à l’amour pour le prochain ; il a exercé son ministère pour les personnes qui étaient dans le besoin, quelles qu’elles soient, et où qu’elles soient. Son exemple continue à inspirer l’Église au Sri Lanka aujourd’hui. Bien volontiers et généreusement, elle sert tous les membres de la société. Elle ne fait pas de distinctions de race, de credo, d’appartenance tribale, de condition sociale ni de religion dans le service qu’elle rend à travers ses écoles, ses hôpitaux, cliniques et de nombreuses autres œuvres de charité. Elle ne demande rien d’autre que la liberté d’accomplir sa mission. La liberté religieuse est un droit humain fondamental. Tout individu doit être libre, seul ou associé avec d’autres, de chercher la vérité, d’exprimer ouvertement ses convictions religieuses, libre des intimidations et des contraintes extérieures. Comme la vie de Joseph Vaz nous l’enseigne, l’authentique adoration de Dieu conduit non pas à la discrimination, à la haine et à la violence, mais au respect de la sacralité de la vie, au respect de la dignité et de la liberté des autres, et à l’engagement affectueux pour le bien-être de tous.
Enfin, saint Joseph nous donne un exemple de zèle missionnaire. Bien qu’il soit venu à Ceylan pour être prêtre au service de la communauté catholique, dans sa charité évangélique il est allé à tous. Laissant derrière lui sa maison, sa famille, le confort de ses lieux familiers, il a répondu à l’appel d’aller au-delà, de parler du Christ partout où il serait conduit. Saint Joseph savait comment offrir la vérité et la beauté de l’Évangile dans un contexte multi-religieux, avec respect, dévouement, persévérance et humilité. C’est encore la voie pour les disciples de Jésus aujourd’hui. Nous sommes appelés à aller plus loin avec le même zèle, avec le même courage que saint Joseph, mais aussi avec sa sensibilité, avec son respect des autres, avec son désir de partager avec eux cette parole de grâce (cf. Ac 20, 32) qui a le pouvoir de les édifier. Nous sommes appelés à être disciples-missionnaires.
Chers frères et sœurs, je prie pour que, en suivant l’exemple de saint Joseph Vaz, les chrétiens de cette nation puissent être confirmés dans la foi et donner une contribution toujours plus grande à la paix, à la justice et à la réconciliation de la société Sri Lankaise. C’est ce que le Christ vous demande. C’est ce que Saint Joseph vous enseigne. C’est ce dont l’Église a besoin de votre part. Je vous confie tous aux prières de notre nouveau saint pour que, en union avec toute l’Église répandue dans le monde, vous puissiez chanter un chant nouveau au Seigneur et proclamer sa gloire jusqu’au bout de la terre. Parce que le Seigneur est grand et digne de toute louange (cf. Ps 96, 1-4) ! Amen. »
Croissance en grâce et en sainteté
Le compte rendu que j’ai à faire sur nous et notre communauté chrétienne est le même que j’ai déjà présenté à Monseigneur l’Evêque. Lorsque je suis arrivé dans ce pays, la situation générale était d’une grande rigidité envers tous et spécialement envers les personnes plus en vue, et les gouvernants ne comprenaient pas très bien le but de notre Mission.
Il leur était parvenu surtout des informations et des insinuations venant des hérétiques (Calvinistes) que nous étions probablement des espions, au point que beaucoup, en particulier ceux qui avaient renié la foi, désiraient que la foi catholique soit éradiquée complètement et ne donne plus de fruits à travers la prédication de l’Evangile et l’administration des sacrements : pour cela, je fus mis en prison ainsi que mes compagnons sans pour autant être attachés avec des chaînes comme les autres prisonniers, ou nous soumettre à d’autres tortures, sinon de nous priver de la possibilité de rencontrer et de voir les chrétiens et de les empêcher de venir nous visiter. En effet cette prison se trouvait sous une surveillance particulière, si serrée au départ que nous ne pouvions faire deux pas hors de la cellule et nous n’avions pas d’idée sur ce que le roi désirait faire de nous.
Le Roi des rois voulut qu’un chrétien qui se trouvait dans les grâces du roi pour lui avoir rendu un service qui méritait une récompense, obtint comme la plus belle récompense la permission de me visiter et de se confesser.
A la même époque ils ont fait en sorte que d’autres chrétiens puissent venir à nous pour que nous puissions leur conférer les sacrements et célébrer les offices divins, construisant une église que nous avions déjà agrandie et fondée.
Dieu voulut que le nombre des fidèles croissent et que la grâce et la sainteté croissent en eux, et que nous puissions rester au milieu d’eux, sortant de notre prison, tandis que les gardes restaient près de l’église et m’accompagnaient lorsque j’avais à sortir pour les besoins des chrétiens.
Maintenant ils ne le font plus, parce qu’ils ne craignent pas que je fuie.
Saint Louis Scrosoppi
Né à Udine le 4 août 1804, Louis Scrosoppi devint prêtre en 1827 et aussitôt il se donna à l’activité caritative pour les petites filles abandonnées et privées de soin, accueillies dans la « Maison des abandonnées » de sa ville natale. Pour donner stabilité à cette institution, il fonda la Congrégation des Sœurs de la Providence, la plaçant sous la protection de Saint Gaétan.
En 1846, il entra dans la Congrégation de l’Oratoire d’Udine ; pour lui redonner vie, il vendit aussi les biens reçus de sa famille. En 1866, l’Oratoire fut supprimé par le gouvernement italien ; le Père Louis resta dans son cœur un vrai disciple de Saint Philippe, tout brûlé d’amour pour le Christ et ses frères, organisant avec les Religieuses de très nombreuses œuvres d’assistance. Il mourut à l’âge de quatre-vingts ans. Béatifié en 1981, il fut canonisé par Jean Paul II le 10 juin 2001.
Des écrits de Saint Louis Scrosoppi, prêtre.
(Cf « Regole delle suore della Provvidenza sotto la protezione di S. Gaetano » - Udine, 1862, cap. VI, art . 15, pp. 82-6 ; cap. VII, art 8 pp. 92)
La charité est le résumé et l’union de tous les biens.
La vie des vrais disciples de Jésus-Christ est un esprit d’unité, de charité et de concorde.
L’Esprit Saint dit que les premiers fidèles étaient un seul cœur et une seule âme. Ils apparaissaient, comme l’écrit l’Apôtre, « un seul corps et un seul esprit, ayant une seule vocation, une même espérance » (Ep 4,4) ; et dans une union si étroite de charité et de vouloirs qu’on cherchait à égaler l’union la plus haute et substantielle qui existe entre Jésus et son Père, selon cette prière divine : « Je prie… pour qu’ils soient tous un. Comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, qu’ils soient un eux aussi en nous » (Jn 17,21-22).
La charité est ce qui nous rend le plus semblable à Dieu, Dieu étant charité ; et qui a la charité, est en Dieu et Dieu en lui : « Dieu est amour, qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (1 Jn 4,16). La charité est le fruit de l’Esprit Saint, il est le lien de la perfection, il est le résumé et l’union de tous les biens. Aimez donc Dieu, aimez en Dieu votre prochain et aimez-vous les uns les autres de tout cœur : « Recherchez la charité (1 Co 14 .1), « Aimez-vous les uns les autres par une affection fraternelle » (Rm 12,10) ; « Surtout, conservez entre vous une grande charité » (1 P 4,8).
Dans l’amour fraternel, vous trouverez la concorde et la paix, et dans la charité, dans la concorde et dans la paix, vous aurez un gage certain de votre héritage glorieux.
Pour exclure de nos âmes sympathies et antipathies, antigènes et aversions et maintenir la concorde, la paix, et la charité fraternelle, il faudra respecter la diversité naturelle qui est l’œuvre de Dieu et avoir de la compassion dans cette diversité pour les imperfections et les faiblesses qui sont le propre des créatures. Dans la nature, Dieu a placé une continuelle dissimilitude, et sa sagesse domine dans la multiplicité des idées et des formes ; et de la dissimilitude multiple des choses naît une parfaite harmonie et un ordre surprenant. Ainsi Dieu a fait de même pour la famille des hommes : il n’y a pas de personnes semblables et on ne trouve pas une personne qui ressemble complètement à une autre. Dieu a voulu que dans cette différence des choses il y ait dans le monde cette concorde et cette union qui réside dans la variété des choses sensibles qui, dans leurs diversités, concourent à une très parfaite concorde.
Bienheureux Salvio Huix Miralpeix
Le cardinal Angela Amato, préfet de la Congrégation pour les causes des Saints, a béatifié dimanche 13 octobre Monseigneur Salvio Huix Miralpeix, premier évêque martyr oratorien, parmi 521 autres martyrs de la guerre d'Espagne.
Voici un bref aperçu de la vie de ce nouveau béatifié oratorien :
Salvio Huix Miralpeix est né le 22 décembre 1877 à Santa Margarida de Vellors dans le diocèse de Vic en Catalogne. Il fut ordonné prêtre en 1903 et entra dans la congrégation de l’Oratoire de Vic quatre années plus tard. C’est là qu’il mena la vie de prière des oratoriens durant 20 années, là qu’il enseigna la foi catholique et qu’il administra les sacrements. En 1927, alors qu’il était prévôt de la communauté, il fut nommé évêque d’Ibiza. Transféré dans le diocèse de Lérida en 1935, il fut très apprécié pour son zèle apostolique.
Le 21 juillet 1936, les forces républicaines forcèrent l’entrée du palais épiscopal et l’évèque Miralpeix trouva refuge malgré son gré chez des amis pour sauver ses associés. Comprenant le danger pesant sur ceux qui le protégeaient, il quitta sa cachette et se présenta lui-même à la police en révélant sa véritable identité. Il fut aussitôt emprisonné avec d’autres prisonniers et c’est avec eux qu’il partagea à la fois les souffrances de la prison et les joies des prières faites en secret et des messes célébrées dans la clandestinité…ce jusqu’à la toute dernière et touchante communion qui se révéla être leur viatique.
A 4h30 le matin du 5 août, les prisonniers furent tous conduits au cimetière local et exécutés. L’évêque demanda à être le dernier à être tué pour pouvoir donner l’absolution et réconforter ses compagnons dans leur martyre. Avant d’être arrêté, il avait confié sa croix pectorale à un ami, lui demandant de l’apporter au Saint Père à Rome : il offrait sa vie pour lui et désirait qu’on l’assure de sa fidélité envers lui.
La béatification de l’évêque Miralpeix, premier oratorien martyr, a été célébrée à Tarragone le dimanche 13 octobre 2013.
(Traduit de l’anglais par Pascale W. de l’Oratoire séculier de Nancy)
Bienheureux Antonio Grassi
Antoine Grassi, né à Fermo, d’une famille noble, entra à seize ans dans la Congrégation de l’Oratoire instituée peu de temps auparavant dans sa ville. Observant parfaitement les règles de la vie commune, il se distingua par son obéissance, sa mansuétude et son affabilité.
Il obtint de très bons résultats en philosophie et en théologie, et il sut unir ses connaissances avec son humilité. Brûlant d’un très grand amour pour la Vierge Marie, il se rendait souvent en pèlerinage à la Sainte Maison de Lorette. Contre sa volonté, il fut élu plusieurs fois prévôt de l’Oratoire de Fermo, apprécié de tous parce qu’il agissait toujours avec une très grande charité, prudence et générosité. Il travailla énormément à la beauté de la maison de Dieu et à la dignité des cérémonies.Il fut appelé « Ange de paix » parce qu’il régla d’innombrables conflits. Il lui fut toujours agréable de rendre forts ceux qui étaient faibles dans la foi, d’instruire ceux qui avaient peu d’instruction, de visiter les prisonniers, de remettre sur le droit chemin les marginaux, d’attirer à la pratique de la foi l’âme des enfants et des jeunes. Il passait des jours et des nuits auprès des malades, oubliant ses fatigues et le sommeil, et chaque jour il passait plusieurs heures à confesser les fidèles. Il s’endormit dans le Seigneur à quatre-vingts ans, le 13 décembre 1671. Le Pape Léon XIII l’inscrivit dans le livre des Bienheureux pendant l’Année Sainte 1900.
De la lettre fraternelle à tous les confrères Oratoriens », du Cardinal Alfonso Capecelatro de la Congrégation de l’Oratoire. (Rome, 24 mai 1900, Archives de la Postulation Générale de l’Oratoire)
Fidèle ami du Christ et son infatigable ministre.
« Le vénérable Antonio Grassi, de l’Oratoire de Saint Philippe Néri, est à juste titre à compter parmi les plus fidèles amis du Christ et ses infatigables serviteurs. En effet, pendant quatre-vingt ans, d’autant plus il fut nourri par Dieu avec largesse du pain de la vie et de l’illumination de l’esprit et abreuvé de l’eau de la sagesse qui sauve, d’autant plus il correspondit de jour en jour aux dons de la grâce divine, ne cherchant rien d’autre qu’à devenir conforme à l’image du Fils de Dieu. L’excellence de sa sainteté se distingue surtout dans le fait qu’il développa sa piété et la vertu de religion, qu’il renonça à lui-même, qu’il fut rempli d’ardeur pour le salut des âmes, si bien que des personnes célèbres par leur dignité et leur prudence l’estimaient un véritable émule de Philippe Néri et qu’elles lui demandaient des prières et des conseils de sagesse céleste » (S.R.C. decr. De Approb. Mirac. 12 novembre 1893).
« Il se montra en effet en tout un grand imitateur du Père Philippe » (S.R.C. Decr. Super T . 11 février 1894.
Il est certain que le Saint-Siège, à juste titre, émit de très grands éloges de ce genre pour les actions et les gestes du vénérable Serviteur de Dieu.
En effet, avant même sa naissance, et à peine né, il fut considéré comme « saint » et « grand serviteur de Dieu ». Il vit la lumière à Fermo, en 1592, Philippe étant encore vivant, et il fut baptisé par le père Civitella devenu ensuite Prévôt de cette ville. Il fut un homme d’une telle pureté, comme un nouveau saint Bernardin de Sienne ; quand il était encore un enfant la seule présence ou la seule parole : « c’est Antoine », suffisait à détourner ses plus jeunes compagnons de tout discours peu honnête. Et cette vertu angélique fut marquée et donna une suave odeur qui sortait du corps d’Antoine pendant sa vie comme à sa mort, et c’est avec une insupportable puanteur que le Serviteur de Dieu reconnaissait prodigieusement la présence des impurs, et enfin, ce témoignage : une prodigieuse exclamation d’une petite fille de deux ans à peine : « Voici un Ange, voici un Ange », tandis qu’elle désignait plusieurs fois Antoine dans l’église.
Rendu conscient de sa vocation oratorienne par son directeur spirituel, lui-même disciple de Saint Philippe, à seize ans il quitta le monde pour entrer dans la Congrégation de Fermo, Oratoire qu’il fréquentait depuis son enfance.
« Tenant devant ses yeux l’image de Saint Philippe son père et précepteur, il fut tellement toujours constamment semblable à lui dans l’observance des règlements, mêmes les plus petits, qu’il ne s’éloignait ni à droite ni à gauche de l’observance de la loi du Seigneur pendant plus de soixante années. Et sur ces années, pendant trente ans, exemple nouveau et inhabituel, il fut Prévôt de cette Congrégation, et comme une lampe qui brille sur le chandelier il éclaira toujours de cette flamme inextinguible de ses vertus et il se fit tout à tous pour gagner tous au Christ » (S.R.C. Decr. De approb. Virt. 1 avril 1770).
En 1625, il vint à Rome pour obtenir l’indulgence plénière du grand Jubilé, et là, il donna satisfaction à ses sentiments de piété et de dévotion en visitant surtout les lieux auxquels son très aimé père et patron avait donné l’éclat de son vivant.
Brûlé par l’amour divin, il recherchait un doux repos dans la plaie ouverte du côté du Christ, et, devenu cher à Dieu et aux hommes, il entra en amitié et reçut des louanges de la part d‘illustres disciples de Saint Philippe, dont le père Consolini qui fut très cher au père Philippe. Et même, grâce à sa douceur et à sa renommée de vertu, il attira à lui la famille de la Congrégation de l’Oratoire tout entière, au point que les Philippins des autres Congrégations demandèrent avec des lettres pleines d’amour, comme en compétition entre eux, la dernière bénédiction d’Antoine, désormais époux de la vieillesse et des fatigues.
Il fut un dispensateur de la dévotion mariale ; chaque année, il se rendait en pèlerinage à la Sainte Maison de Lorette où le Verbe se fit chair, et là il jouissait d’élévations admirables et de la douceur de l’Esprit Saint. Il prêchait assidûment les louanges de la Vierge Marie et les chantait avec douceur. Il recourait aussi à Saint Philippe comme médiateur pour obtenir plus efficacement l’intercession de la très sainte Mère de Dieu, en disant : « Tout ce que la bienheureuse Vierge Marie implore par Jésus-Christ son Fils, elle l’obtient ; tout ce que Saint Philippe implore de la Bienheureuse Vierge, il l’obtient ». Pour cette raison, il célébrait avec dévotion les grandes vertus du saint père et il avait l’habitude de dire à ses confrères : « Oh, avec quel honneur et attention nous avons été rendus dignes d’être les fils de Saint Philippe ».
Il résulte des procès apostoliques que toutes les vertus du vénérable Antoine furent héroïques. Pour cela Dieu confirma par des charismes célestes l’extraordinaire sainteté de son serviteur. Orné par Dieu du don de prophétie, de guérisons, de miracles, il transféra sur lui, par un effet de sa charité, les douleurs des autres, il transforma en argent des monnaies de bronze, il se réjouit de la présence désirée et du chant d’un petit moineau ; et bien d’autres prodiges furent mis en lumière.
Surtout lors de sa dernière maladie, il se montra un parfait exemple de patience, tirant de grandes consolations de la pieuse considération des saints stigmates de Saint François desquels, assurait-il, il voulait être rendu participant, en tant qu’inscrit à l’Archiconfrérie des Cordigeri du séraphique Père. Enfin, averti par la Bienheureuse Vierge Marie, par Saint Philippe, de sa mort très prochaine et du salut éternel, il s’exclama avec une incroyable joie : « Oh, quelle félicité, quelle grande consolation qu’être un fils de Saint Philippe pendant la traversée de cette vie ». Il mourut le 31 décembre 1671.
Bienheureux Sébastien Valfrè
Sébastien Valfrè est né à Verdun, dans le diocèse d’Alba, en 1629. Encore très jeune, il commença sa formation au ministère ecclésiastique, mais désirant avec une plus grande ardeur se consacrer tout à Dieu et au salut des âmes, il entra ensuite dans la Congrégation de l’Oratoire de Turin. Devenu prêtre, il obtint un diplôme en théologie et il fut coopté pour entrer dans le Collège des Docteurs. Il exerça avec profit le ministère de l’évangélisation dans les hôpitaux, dans les pensionnats féminins, dans les monastères, dans les casernes, les prisons, sur les bateaux de galère, dans les ateliers, les champs, sur les places, sur les routes et même à la cour du Roi.
Il fut admirable dans l’œuvre d’éducation des petits enfants et du peuple ; il s’occupa efficacement aussi des Juifs et des Frères séparés. Assidu au confessionnal, il eut une grâce spéciale pour assister les condamnés à mort. Il s’employa aussi à l’assistance aux malades et aux mourants, à la tutelle des filles en danger, il aida généreusement les pauvres. Infatigable dans la prière, il garda toujours le don de la chasteté par l’abstinence et la mortification. Vaincu par l’âge et la fatigue, il mourut à Turin en 1710, et il fut inscrit parmi les Bienheureux en 1834 par le Pape Grégoire XVI.
Des écrits du Bienheureux Sébastien Valfrè, prêtre.
(Des écrits autographes conservés aux archives de la Congrégation de Turin, Vol 27, p. 42. Libre adaptation au langage courant).
La charité parfaite.
Comment pourrions-nous tendre à la perfection si l’amour de Dieu ne nous y conduit pas ? Et comment pourrions-nous aimer Dieu si nous n’observons pas nos règles ? Les motifs qui nous obligent à aimer la perfection de tout notre cœur ne nous obligent-ils pas aussi à l’observance de ces mêmes règles ? Voici la mesure : elle présente le goût de Dieu, sa Gloire, sa volonté ; par cette voie elle veut nous conduire au paradis et non par une autre ; par ces canaux elle veut nous donner ses grâces ; à travers ces moyens elle veut nous porter à la perfection.
Et donc nous n’obtiendrons jamais la perfection sinon à travers l’observance de nos règles comme de bons fils de notre Père céleste. Si un bon fils sait que son père veut quelque chose, aussitôt il l’accomplit, sans ordre, et il ne fait pas de distinction entre la volonté qui commande et le désir de son père qu’il aime.
Je dis ceci contre les excuses de certains qui justifient leur inobservance des règles en disant que les règles n’obligent pas sous peine de péché. C’est le plus mauvais argument, c’est une philosophie diabolique qui déduit une conclusion complètement perverse d’un sain principe : ce que le Seigneur donne par son Fondateur pour l’aimer davantage, pour obtenir une plus grande perfection, ne doit pas être utilisé par les fils du Fondateur comme une pierre de scandale, comme matière à l’indolence, négligence ou inobservance. Ceux qui ne servent Dieu que par crainte du péché ou de la punition ne comprennent pas du tout ce qu’est la perfection, ce qu’est le véritable amour pour Dieu : « La charité parfaite chasse la crainte »
(1 Jn 4,18).
La charité parfaite chasse la crainte servile et connaît seulement la peur d’offenser l’aimé Seigneur, la peur de ne pas accomplir tout ce qu’il sait pouvoir plaire au plus haut point à Dieu.
Voici donc l’observance des règles que le Seigneur, par les mains de notre saint Père, donna à la Congrégation notre mère, au point qu’est maudit celui qui l’exaspère et l’offense. « Maudit de Dieu celui qui exaspère sa mère » (Sir 3,18). Et qui sont ceux qui exaspèrent, offensent, traitent d’une façon indigne leur mère, la Congrégation ? Sans aucun doute, ceux qui n’observent pas les règles. Ils sont des novices pour la Congrégation : à cause d’eux elle perd sa beauté et sa splendeur, à cause d’eux la Congrégation s’affaiblit et court à sa perte. De même qu’elle vit grâce à la fidèle observance de ses règles, de même elle se détruit quand on les transgresse ou les méprise.
Il suffit qu’un seul dans la Congrégation, volontairement, ne les observe pas, pour que Dieu ne la regarde plus avec un œil bienveillant comme avant, qu’il éloigne d’elle les bénédictions spirituelles, qu’il répande avec moins d’abondance ses grâces sur ceux qui demeurent.
Vénérable Jean-Juvénal Ancina
Jean Giovenale Ancina, de Fossano, ayant accompli ses études scolaires à Pavie, obtint le diplôme de médecine à Turin et il enseigna dans l’université de cette ville. Mû par une inspiration céleste, il se rendit à Rome où il commença à suivre les exercices de l’Oratoire et il se donna avec assiduité à l’étude de la théologie et de la Sainte Ecriture. Accueilli dans la Congrégation de l’Oratoire, il devint prêtre à plus de trente deux ans.
Sur la demande de Saint Philippe, il partit pour Naples avec d’autres compagnons, où il promut grandement les exercices de l’Oratoire. Sur son conseil, le peuple napolitain érigea en l’honneur de son saint Patron Janvier la splendide chapelle, dite du Trésor.Contre sa volonté, il fut désigné évêque de Saluzzo par le Pape Clément VIII ; là, il s’efforça surtout de restaurer la discipline ecclésiastique qui avait décliné ; par sa piété, son enseignement et sa charité, beaucoup changèrent de vie. Il mourut sereinement le 30 août 1604, à cinquante neuf ans. Il fut placé au nombre des Bienheureux par le Pape Léon XIII en 1890.